Dette publique : qui a contribué le plus à l’endettement de la France ?

3 000 milliards d’euros, c’est plus que le PIB de l’Allemagne ou de l’Italie. C’est la dette publique française, dont le compteur ne cesse de tourner, décennie après décennie, sans jamais marquer de pause. Derrière ce chiffre vertigineux, il ne s’agit pas d’une simple fatalité économique ou d’un accident de l’histoire : c’est le résultat d’une accumulation de décisions, de renoncements, de crises, mais aussi d’arbitrages assumés par chaque gouvernement, quels que soient les partis ou les promesses de campagne.

Où en est la dette publique française aujourd’hui ?

La dette publique française a franchi au printemps 2023 la barre des 3 000 milliards d’euros, dépassant largement tous les sommets historiques. Ce chiffre, autour de 112 % du produit intérieur brut, vient souligner qu’en France, les dépenses dépassent année après année le niveau des ressources produites. Difficile d’ignorer ce rapport : il place la France nettement au-dessus de la moyenne des pays de la zone euro, là où le ratio s’établit plutôt près de 90 %.

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Contrairement aux voisins qui parviennent à retrouver un peu de stabilité, la France s’ancre dans une spirale déficitaire. Si on décortique la construction de cette dette géante, on remarque qu’elle est portée par trois piliers distincts :

Le déficit public reste sur une pente structurelle : fin 2022, il frôlait 4,7 % du PIB, loin du plafond européen de 3 %. Au même moment, la charge des intérêts sur la dette s’amplifie avec la remontée des taux, et réduit mécaniquement la marge de manœuvre de l’État.

Les surplus budgétaires ? Inexistants sur une longue période. Les déficits s’additionnent chaque trimestre, venant grossir la dette d’une manière presque inéluctable. Ce schéma, bien plus persistant qu’ailleurs en Europe, nourrit une interrogation récurrente sur la façon de retrouver une gestion financière équilibrée.

L’histoire de l’endettement : des grandes crises aux choix politiques

Depuis les années 1980, la trajectoire de la dette publique française s’apparente à une courbe ascensionnelle rarement démentie. Les données officielles montrent une ascension constante, la France ayant dépassé le fameux critère de 60 % du PIB à la fin des années 1990. Chaque décennie révèle ses propres accélérations, toujours déclenchées par des épisodes de turbulence économique ou financière.

La période des années 1980 marque l’installation progressive de déficits récurrents, alors que l’État abandonne la rigueur budgétaire. La crise de 1993 provoque un bond brutal, mais c’est surtout à chaque collision majeure avec l’actualité économique que la dette s’envole. L’exemple le plus frappant : la crise financière de 2008, qui fait grimper la dette de près de 15 points en moins de trois ans. Les plans de relance succèdent aux mesures de rigueur, entraînant une augmentation continue de l’endettement.

La crise sanitaire de 2020 constitue un choc sans précédent : près de 20 points supplémentaires de dette en proportion du PIB. Ce surcroît d’endettement, conséquence directe de l’engagement de l’État pour soutenir entreprises et ménages, a été essentiellement pris en charge par l’administration centrale et la sécurité sociale. La réalité est là : la succession des crises, combinée à des décisions politiques répétées, a forgé cette trajectoire si particulière de la dette française.

Quels facteurs ont le plus pesé sur l’augmentation de la dette ?

Le moteur principal de cette montée continue, c’est le déficit public chronique. Chaque année, les dépenses publiques dépassent les recettes, creusant mécaniquement la dette. Les prestations sociales, la santé, les retraites et le soutien renouvelé aux collectivités alimentent cette spirale, surtout lorsque l’économie piétine ou entre en récession.

Autre variable devenue centrale : le coût des intérêts sur la dette. La remontée des taux à partir de 2022 a brusquement accentué la facture. Dès qu’un point de pourcentage s’ajoute, ce sont plusieurs milliards d’euros qui s’évaporent dans le service de la dette. Peu à peu, cet alourdissement vient grignoter les ressources disponibles pour l’investissement public.

Les administrations de sécurité sociale contribuent largement au phénomène, leur déficit s’accentuant dans un contexte de vieillissement de la population et d’explosion des prestations. Lorsque les rentrées fiscales stagnent ou baissent, les marges de manœuvre s’évaporent encore plus rapidement.

Dernier levier, les chocs extérieurs : crise sanitaire, flambée des prix de l’énergie, ralentissement de la conjoncture mondiale. À chaque nouvelle tempête, la dette connaît une poussée fulgurante, l’État intervenant massivement pour éviter l’effondrement de secteurs entiers.

Table de conférence avec piles de pièces d

Présidents et périodes clés : qui a le plus contribué à l’accroissement de la dette ?

Chaque période politique laisse une marque discernable sur la courbe de la dette. Jacques Chirac (1995-2007) dirige la France dans un contexte de ralentissement économique et de chômage durable. Après 2002, la dette s’accélère de façon visible, portée par des mesures de relance et des baisses d’impôts qui creusent le manque à gagner fiscal.

Puis arrive Nicolas Sarkozy. Entre 2007 et 2012, la crise financière frappe de plein fouet. L’État orchestre plans de sauvetage et mesures d’urgence, ce qui fait grimper la dette de 64 % à plus de 85 % du PIB en l’espace de cinq ans.

Sous François Hollande, la croissance faiblit et le chômage s’ancre. Les dépenses sociales demeurent élevées, la dette poursuit son ascension, atteignant près de 96 % du PIB, mais avec une progression moins vive que lors de la période précédente.

Emmanuel Macron hérite dès 2017 d’une situation déjà lourde, quand la pandémie de Covid-19 vient bouleverser tous les repères. L’État injecte des moyens sans précédent pour amortir les chocs : soutien massif aux entreprises, indemnisation du chômage partiel, investissements sanitaires. En quelques années, le ratio de dette passe la barre des 110 % du PIB. Au coeur de la tempête sanitaire mondiale, la gestion du déficit recule au second plan.

Période Président Dette publique (% PIB)
1995-2007 Jacques Chirac ~55 % → ~64 %
2007-2012 Nicolas Sarkozy 64 % → 85 %
2012-2017 François Hollande 85 % → 96 %
2017-2024 Emmanuel Macron 96 % → 110 %

Derrière chacun de ces chiffres, ce sont des choix collectifs, des urgences, des renoncements ou des volontés assumées qui sculptent la trajectoire. Plus que des noms ou des partis, ce sont les grandes crises qui font accélérer la dette, et non la simple routine politique. Désormais, la France fait face à la nécessité de questionner, sans faux-semblants, la voie qu’elle souhaite prendre. Jusqu’où le curseur de la dette peut-il pousser l’histoire commune ? La réponse, elle, s’inscrit dans les votes… et dans chaque nouvelle ligne du budget.